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Le grand arbre est tacheté, lourd de fruits prêts à tomber.
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En
quelle année sommes-nous, vous en souvenez-vous, vous rappelez-vous
?
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Etait-ce
une année bénie par une grande joie ?
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Ou
bien était-elle toute lourde, terne et maudite ?
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Peut-être
n'est-ce pas vrai, seulement une blague, une farce.
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Quelle
année était-ce après le début ?
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Oui,
je suis souvenir, je suis mémoire.
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C'était
l'année connue par son nom, Dorothy
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Nous
nous tenions près de cette fenêtre,
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nous nous tenions près de cette porte.
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Les moments ne sont plus ce qu'ils étaient.
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Oui,
je suis souvenir, je suis mémoire.
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Nous
voyions ces mêmes branches lourdes de joie,
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Ces
fleurs nées d'idées qui ont mis des années à mûrir
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Silencieuses et blanches campanules... elles pendent dans l'arbre
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Pour
elle, le temps était plein, jusqu'ici encore invisible.
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Pour
nous le printemps brillait, là où il n'y a point de passé.
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Son souriant visage purifié, clair et sain.
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Mais
déjà était là la froide morsure de l'automne.
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Les
doigts terreux du temps jouant avec la peur.
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Oui,
je suis souvenir, je suis mémoire.
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Au travers de la fente dans le visage nu du temps, couleur de cendres,
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Surgit
un étranger, criant son nom,
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C'est
la mort qui chevauchait, semant des éclats de verre.
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Tout s'en va... tout s'en va... tout s'en va...
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Blanches
campanules... silencieuses... elles tombent.
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Mains qui se tendent, tendresse de la lune allongée sur le sol.
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Tout
s'en va... tout s'en va...fruits que faisait mûrir sa présence...
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A
présent je me tiens seul auprès de la porte.
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Silencieuses
castagnettes, posées, tranquilles, dans la blanche lumière.
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Et
par ses yeux mi-clos, je peux voir seulement
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Tous
ces fruits pleins de suc devenant un grand arbre.