QUE FAIRE UNE FOIS LE STAGE EST TERMINE ?

Paul Silber

 

 

 


Comme c'est étrange de se voir, avec ses amis, à travers une machine à remonter le temps, comme nous étions il y a vingt ans. Mais pourtant, chaque fois que j'assiste aux premières classes de mouvement d'un nouveau stage, c'est exactement cela que je vois. Bien sûr, cela m'apparaissait moins clairement quand de nouveaux "aspirants" venaient travailler avec nous. Parmi eux, il y avait plusieurs comédiens professionnels estimés et entraînés, mais cela ne faisait pas la moindre différence. Ils avaient toujours, bien évidemment, le désir bouleversant de retrouver leur imagination. Comment est-il possible que des acteurs qui, apparemment, gagnent leur vie grâce à leur imagination, en semblent si dépourvus. Peut-être est-ce parce que. nu lieu de transmettre leur art à travers eux-mêmes et leurs imaginations propres, ils utilisent des "techniques" comme moyen pour éviter de se confronter à eux-mêmes. Peu importent les raisons, cette observation s'avérait toujours quand arrivait le moment où ils devaient se servir de leur voix dans le contexte d'une leçon de chant. En effet, plusieurs acteurs professionnels, venus au studio à Londres, se sont rendu compte qu'ils n'étaient pas en mesure de rester quand ils ont vu à quel point ils devraient incorporer leur vie personnelle à leur art, pour que ce soit authentifié par notre conception du théâtre. Si nous considérons la réticence, bien compréhensible, des acteurs à réaliser l'union entre leur vie sur scène et hors scène, nous pouvons poser des questions intéressantes : par exemple, la vie comme elle est vécue aujourd'hui donne-t-elle assez de place à l'imagination ? Le Théâtre reflète-t-il la vie ?


Est-ce-que Les gens qui pratiquent Le théâtre pratiquent La vie comme une extension de ceLui-ci, au-deLà de La définition conventionelle ? Cela signifierait-iL alors que Les gens qui ne pratiquent pas le théâtre vivent moins totalement que ne le définissent les conventions de La vie normaLe ? C'est à cause de questions comme ça, je crois, qu'arrivent de tous Les chemins de la vie, des gens pour participer à notre stage sur la voix. Qu'ils Le sachent ou non, leur inconscient entend le mot " voix ", et comprend (puisque l'inconscient est la poubelle où demeurent tout ce qui est rejeté par le cerveau conscient) que le mot " voix " et l'imagination sont intimement liés.

De mon point de vue, c'est une évidence (ce n'est même pas la peine de le mentionner) puisque c'est avec une régularité remarquable que je vois que quand quelqu'un se sert vraiment de sa voix avec la pleine capacité de son corps, il voit que son corps et son imagination ne font plus qu'un. Cela le mène à l'ouverture de régions d'émotions dont il n'a pas l'habitude. La vulnérabilité qui en découle, une fois examinée, nous révèle que dans nos émotions et sentiments fondamentaux nous ne sommes pas si différents. En effet, on peut découvrir qu'il y a un lien commun qui ne peut s'exprimer qu'à travers le spectre entier de la voix humaine. Il y a des liaisons universellement communes. Homme ou femme, certaines liaisons archétypiqucs se retrouvaient constamment. Ce facteur commun doit signifier la possibilité de dimineur la vulnérabilité, toujours en supposant que nous puissions communiquer cette possibilité aux stagiaires, d'une manière telle qu'ils puissent agir. Par exemple vocalement on voit que ces parties de nous-mêmes avec lesquelles nous avons le minimum de relation sont celles que nous aimons le moins chez les autres. Ees exprimer en nous-mêmes peut créer la résistance et même la peur mais c'est l'imagination réalisée par l'étendue de la voix qui peut nous amener éventuellement une relation harmonieuse avec elles, avec notre propre multiplicité.

Que sont nos rêves sinon la voix inconscient de l'imagination ? Qu'est donc la façon d'agir inconsciente si ce n'est pas la vie en train d'être vécue par le rêve? Cet état de fait est bon dans l'art, où'l'artiste, on le présume, sait qu'il joue entre le rêve et la réalité. Mais dans la vie quotidienne, la montée de la violence que nous voyons autour de nous est la conséquence du rêve qui prend possession de la vie. C'est le symptôme du degré de rejet de l'imagination et du rêve. La reconduite dans leurs canaux respectifs de créativité de ces extrêmes d'émotion, créent une harmonie qui est à la fois le début de l'individualisation, et donc de l'identité de soi. Pour beaucoup de nos stagiaires, comme pour beaucoup d'entre nous, cela peut signifier une amélioration dans la capacité d'avoir des relations humaines, certainement une solution a l'un des plus grands problèmes sociaux de notre temps .

 

 

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